"Elle eut même de ces phrases qu'on retient, qu'on se murmure seul, qui font espérer."
"On revint sur mai 68.
-Une sublime libération des moeurs bétonnée en ordre moral stalinien, confisquée par les cloportes de la langue de bois, par les brillants autodécervelés du maoïsme normalien, dit Vlad".
"Et tandis que Baba faisait signe à la serveuse de ramener une bouteille, on partit dans l'une de ces bonnes vieilles discussions sur Dieu sans lesquelles il n'est pas de dîner entre amis digne de ce nom. Dieu est mauvais, c'est le diable, soutint Baba. Faire le bien, c'est se révolter contre lui. Ainsi la vie humaine a un sens: en luttant contre le mal, petit à petit, bouter Dieu hors de sa création et arriver à un monde bon."
"-Qu'as-tu, cher, contre les tags? Fit Vlad. Ne sont-ce point les hiéroglyphes de la modernité urbaine, la pathétique signature des anonymes et des déclassés, l'appel, le cri plastique de ceux que personne n'écoute?
-On n'entend qu'eux! dit Baba. Et "plastique", j'en doute. Il faut demander à Julien. Il paraît qu'on en a exposé dans des galeries. Ce n'était certainement pas les gribouillis qu'on voit dans le métro! La plupart, en tout cas, s'ils appellent, c'est plutôt comme les chiards qui barbouillent les murs de leur caca pour attirer l'attention de papa-maman. Ils appellent surtout la fessée.
Julien, interpelé, répondit à son tour.
-A quelques fresques près, qui peuvent intéresser les collectionneurs de graffitis cocasses ou d'ornementations naïves, ce qu'on voit aujourd'hui sur les murs, les plans d'autobus ou les sièges de trains de banlieue a à peu près autant d'intérêt artistique que les crottes de pigeon sur les statues ou les troitoirs: pauvres, désespérément répétitifs et surtout copies serviles de ce qui s'est fait ailleurs il y a longtemps. Aucune créativité là-dedans. Sinon dans les efforts de deux ou trois critiques d'art démagos et retardataires pour faire prendre, il y a quelques années, ces vessies pour des lanternes.
-Moi, ce qui me frappe, dit Fleur, c'est à quel point ces gribouillis prétendument subversifs font bon ménage avec le "libéralisme" le plus sauvage. Vous remarquerez que les courageux graffiteurs anonymes ne s'en prennent à peu près jamais aux publicités commerciales, aux fastfoods, aux temples de la marchandise que sont les Virgin ou autres CD Book Hyperstore et presque toujours, sinon exclusivement, à tout ce qui peut paraître relever du domaine public - université, monuments, métro, etc. Dans cette idéologie de la privatisation à outrance, tout bien collectif est réputé inférieur et saccageable à merci."
"Le ciel, ce soir, est clair comme un désastre,
Liquide et vide au-dessus des maisons,
Pas un oiseau, tout est plat, pas un astre,
Tu n'es pas là, rien n'a plus de raison."
"D'avant-garde, beaucoup le sont, mais au sens où le pet est l'avant-garde de la colique."
"Il faut être bien naïf pour croire au bien, même à petite dose. N'y aurait-il que ces deux scandales, dont la découverte rend, hélas! adulte: la non-réciprocité de l'amour et l'immortalité de l'Etat."
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