Lu à Paris en octobre 2013
** 1% Rentrée littéraire 4/5 **
"C'est Pierre Signorelli qui faisait la conversation, mais, comme il ne disait rien non plus, il n'y avait plus de conversation. Le silence devint très vite pesant, une gêne s'établit entre eux. On se souriait avec embarras, on regardait autour de soi. Pierre Signorelli, immobile, le front parsemé de fines gouttelettes de sueur, qui luisaient sur sa peau comme une rosée, transpirait lourdement dans son épais manteau, mais il s'imposait cette souffrance par coquetterie, devant se savoir secrètement en beauté dans cet épais manteau qui avait dû lui coûter un bras."
"Et, quand le serveur revint déposer les deux coupelles de chips et d'olives sur notre guéridon, Marie, qui jusque-là, m'avait paru encore un peu en deça d'elle-même, encore un peu alanguie, un peu émoussée, retrouva toute ses facultés. Marie redevint Marie, et nous sortit le grand jeu. Remerciant le serveur pour les olives, elle le retint par le bras et lui demanda avec beaucoup de grâce et de naïveté charmante, dans un sourire désarmant, complice, irrésistible, qui semblait dire qu'elle était consciente qu'elle exagérait peut-être un peu, mais qu'on ne se refait pas, s'il ne serait pas possible d'en avoir plutôt des noires, des olives noires."
"Il nous dit ça de son air ennuyé, comme à contrecœur, sans nous regarder, sans pouvoir dissimuler toutefois une sombre satisfaction ténébreuse, le plaisir malsain qu'il y a de pouvoir annoncer de mauvaises nouvelles quand les circonstances s'y prêtent -et elles ne s'y prêtaient que trop rarement à son goût manifestement -, de remuer des choses pénibles, de se complaire dans le drame et le ressentiment."
"J'eus le sentiment alors que notre relation était en train de prendre un tour nouveau. Car, de même qu'il arrive parfois qu'une fêlure s'installe dans la vie amoureuse d'un couple, qui avec le temps, ne peut que s'étendre et s'aggraver pour aboutir à une rupture définitive, je sentais que pour nous, c'était plutôt dans le principe même de notre rupture qu'une lézarde était en train de s'installer, qui, avec ce que nous venions de vivre et le fait que Marie était enceinte, ne pourrait que s'accroître, au point que, si elle venait à s'élargir encore, c'est l'idée même de notre séparation qui se trouverait menacée (et que nous finirions, tôt ou tard, par nous remettre à vivre ensemble)."
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