lundi 16 avril 2012

Les dieux ont soif - Anatole France

Lu entre Paris et Londres en Avril 2012

"J'ai l'amour de la raison, je n'en ai pas le fanatisme, répondit Brotteaux. La raison nous guide et nous éclaire; quand vous en aurait fait une divinité, elle vous aveuglera et vous persuadera des crimes."

"La nature nous enseigne à nous entre-dévorer et elle nous donne l'exemple de tous les crimes et de tous les vices que l'état social corrige ou dissimule. On doit aimer la vertu; mais il est bon de savoir que c'est un simple expédient imaginé par les hommes pour vivre commodément ensemble. Ce que nous appelons la morale n'est qu'une entreprise désespérée de nos semblables contre l'ordre universel qui est la lutte, le carnage et l'aveugle jeu des forces contraires."

"Evariste Gamelin, artiste froid et savant, ne reconnaissait de beauté qu'à l'antique, et la beauté lui inspirait moins de trouble que de respect. Son goût classique avait de telles sévérités qu'il trouvait rarement une femme à son gré; il était insensibl aux charmes d'un joli visage autant qu'à la couleur de Fragonard et aux formes de Boucher. Il n'avait jamais connu le désir que dans l'amour profond. Comme la plupart de ses coolègues du Tribunal, il croyait les femmes plus dangereuses que les hommes."

"Dans la voiture, l'artiste prit la main d'Elodie, entre ses mains:
-Vous le croyez, Elodie, que je vous aime ?
-Je le crois, puisque vous aimez toutes les femmes.
-Je les aime en vous.
Elle sourit:
-J'assumerais une grande charge, malgré les perruques noires, blondes, rousses qui font fureur, si je me destinais à être pour vous toutes les sortes de femmes.
-Elodie, je vous jure...
-Quoi! des serments, citoyen Desmahis? Ou vous avez beaucoup de candeur, ou vous m'en supposez trop.
Desmahis ne trouvait rien à répondre, et elle se félicita comme d'un triomphe de lui avoir ôté tout son esprit."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire